Sergei Pugachev sur comment Poutine est devenu président
– C’est quelqu’un qui n’a jamais été élu nulle part. Il a toujours été nommé : que ce soit à l’université, en Allemagne de l’Est ou ailleurs, ou encore à la mairie.
Poutine ne voulait absolument pas être président. Catégoriquement. Jusqu’au dernier moment il a tout fait pour se défausser, pour éviter de devenir le président de la Fédération de Russie. Il n’y était absolument pas préparé. Il n’y a jamais cru, jusqu’au moment de l’inauguration officielle. C’est à ce moment-là, je crois, et non pas à l’issue des élections ou après le départ de Eltsine, qu’il a fini par se rendre compte que pendant quatre ans, ou peut-être moins, il serait amené à jouer le rôle du président.
Je me souviens de ce qu’il m’a dit : «Il faut travailler avec le matériel qu’on a», c’est une citation exacte, je me souviens de ses mots. Nous avions parlé du fait que si l’on voulait donner une nouvelle direction au pays, si l’on avait de belles idées, si l’on voulait d’un pays qui marche bien, il fallait comprendre que cela ne pouvait se faire qu’avec des gens nouveaux, du sang neuf, de nouvelles forces vives.
– Rappelez-vous votre dernier entretien avec Poutine. C’était aux Pays-Bas si je me souviens bien.
– En effet. C’était à Amsterdam. Poutine m’a dit : «Ecoute, viens à Moscou, on règlera tous les problèmes.» Je ne vais pas rentrer dans les détails, c’est une longue histoire cette conversation, mais en somme, voilà : Poutine, comme à son habitude, a prétendu avoir été mis au courant de malversations… de méchantes personnes dont j’aurais été victime, et à qui il ne manquerait pas de régler leur compte dès son retour à Moscou. Il m’a même dit : «Je vais aussitôt passer un coup de fil à Tchaïka, a Bastrykine, on va faire tout ce qu’il faut pour que tes gars sur place ne soient pas inquiétés, on va mettre de l’ordre dans tout cela.» Moi qui le connais bien, je sais pertinemment que ce sont des mots en l’air, sans valeur ni signification. Et aussitôt après cet entretien des poursuites pénales ont été engagées contre moi, avec un mandat d’arrêt international délivré par Interpol et ainsi de suite.