Sergueï Pougatchev raconte comment il a présenté Chevkounov au président et du «confesseur» de ce dernier.
L’ancien banquier Sergueï Pougatchev a raconté à Dozhd comme il a présenté au président Poutine le père Tikhon Chevkounov, dont on murmure qu’il serait le «confesseur» du président. Il parle des points communs entre les deux hommes et raconte pourquoi il pense que Poutine n’a pas la foi.
Sergueï Pougatchev: Je le connais bien. Intimement. Le père Tikhon est une nature passionnée. Du moins le Patriarche Alexis avait tout bonnement peur de lui; il disait: «Je crains ses aventures insensées».
C’est un homme impulsif et persévérant. De plus il faut garder à l’esprit son engouement de jeunesse pour toutes sortes de cercles monarchistes, puis cette histoire avec le film Mathilde: il ne cache pas sa position, il estime que ce film est nuisible et tout cela. Il faut bien comprendre que le père Tikhon est un homme soviétique typique, qui a fait partie des jeunesses communistes, du Komsomol, il a été un petit oktiabrenok, puis pionnier, et ainsi de suite. Il ne peut pas se refaire.
Sans doute, il oeuvre pour le bien de l’Eglise, mais, hélas, cela tourne un peu bizarrement, il y a toujours un côté soviétique. Il a une idée générale, qui consiste à penser que si on fait quelque chose pour le bien de l’Eglise, alors c’est bien. C’est une sorte d’indulgence. Il a fait construire l’église des Nouveaux Martyrs; à l’époque nous étions en contact et il disait alors: «Mais je n l’ai pas fait construire pour moi-même. Je mourrai, mais l’église restera».
C’est moi qui ai présenté le père Chevkounov à Poutine. C’était une rencontre tout à fait fortuite. Poutine n’était pas président à ce moment-là. J’étais en voiture, j’allais à un service religieux au monastère Sretensky. Nous avions travaillé avec Poutine sur un projet d’envergure touchant à des avoirs étrangers, nous étions en conversation, je m’apprêtais à le déposer, mais en fin de compte je lui ai proposé de m’accompagner au monastère. J’ai cru comprendre qu’il n’avait jamais été à l’église auparavant, et de plus la liturgie devait avoir lieu au sanctuaire. C’était très bien qu’il ait pu assister à tout cela. Après il m’arrivait souvent de faire venir Tikhon chez Poutine, dans sa datcha, les jours de fêtes religieuses. Poutine aimait beaucoup écouter le choeur du monastère Sretensky.
Soyons clairs, Poutine n’a pas de confesseur. En tout cas à mon avis, Poutine n’est pas croyant et il manque d’éducation religieuse. Lui, pour comprendre quelque chose, il doit se documenter, lire. Et un ou deux jours n’y suffisent pas. Il faut qu’il s’y consacre pleinement, qu’il comprenne, qu’il ressente, qu’il croie. Pour autant que je me souvienne, il voyait cela comme une sorte de «Front national pan-russe», une «Russie Unie», une sorte de communion de personnes unies par un même objectif, que l’on peut utiliser.
— Se ressemblent-ils?
— Oui, oui, ils se ressemblent beaucoup. Certains trait sont vraiment très similaires. L’un et l’autre ne supportent absolument pas la critique, quelle qu’elle soit. Et ce qui me frappe c’est que l’un et l’autre en parlent ouvertement: ils aiment la flagornerie, l’obséquiosité, c’est un point commun marquant.
— Quand vous-êtes vous parlé la dernière fois?
— Il y a peu de temps. Il est vrai que c’était au téléphone.
— A quel sujet?
— C’était une fête, je crois, nous nous sommes adressé nos meilleurs voeux.
— Parlez-vous avec lui de questions de politique actuelle?
— Moi, oui.
— Et lui?
— Lui, non.
— Pourquoi?
— Je ne sais pas, il a cette paranoïa, il pense qu’il est sur écoute, qu’il est risqué de s’entretenir avec moi. J’avais dit quelque chose, il n’a rien répondu, puis il a dit qu’il me rappellerait parce que le moment n’était pas très commode pour discuter, Médinski (le Ministre de la culture) l’attendait dans son anti-chambre depuis deux heures.
Ce que promeut le père Tikhon, ce sont des choses simples. Ce sont des images d’Epinal que tout le monde aime. Pour comprendre tout cela il n’y a pas besoin de lire des livres, il suffit d’entendre un bref discours et tout est clair. C’est un vrai professionnel, c’est un metteur en scène manqué, ou plutôt c’est un metteur en scène qui a réussi, mais non pas dans l’industrie du cinéma, mais à l’échelle de la Russie de Poutine. Il a mieux réussi que Nikita Mikhalkov, qui ne peut que rêver d’une telle célébrité. Il maîtrise ce qu’il fait et il y a une demande pour ce qu’il fait. Qui plus est, il y a une demande de la part du peuple mais aussi de la part du pouvoir, de la part de Poutine. C’est un cas unique.